Dans chacune de ses pièces, Marlene Monteiro Freitas chorégraphie les corps et les visages pour révéler les contrastes, juxtaposer les contraires, avec l’excentricité des processions populaires de son enfance au Cap-Vert. « Dans le carnavalesque, la laideur et le beau, le jouissif et le triste, ce que nous rejetons et ce qui nous attire, marchent tout près, main dans la main » remarque-t-elle. Dans Canine Jaunâtre 3, il y a tout ça.

La chorégraphe convoque ici l’imaginaire du sport pour le détourner au profit d’une exploration audacieuse et déroutante des limites physiques et expressives de ses interprètes. Sur la scène transformée en terrain de compétition, 25 danseurs et danseuses virtuoses, affublés du même dossard n^o 3, font équipe pour mettre hors-jeu nos habitudes de perception. Athlètes héroïques autant que pantins grotesques, ils nous entraînent vers un territoire incertain, où s’effacent les frontières entre l’homme, l’animal et la machine.

Dans le cadre du festival Latitudes Contemporaines

Dans Terminal Beach, six individus en quête d’avenir cherchent une issue dans un monde impénétrable, noir comme la nuit. Tour à tour chevaliers, cow-boys ou révolutionnaires, ils foulent des sentiers battus, explorent des terres inconnues et rejouent l’histoire, pour s’offrir de grands voyages et de petites évasions. Dans un éblouissant collage chorégraphique, visuel et musical, ils mêlent les époques, les styles et les techniques, révélant la force émancipatrice d’une jeunesse créative. De cette fresque hallucinée, où Brueghel pourrait croiser les Monthy Python, où Verdi côtoie Johnny Cash, émerge un nouveau récit de notre époque, entre la possibilité d’un horizon et la tentation d’une marche arrière.

Moritz Ostruschnjak a été un membre actif de la scène graff. C’est par le breaking qu’il a développé son intérêt pour la danse contemporaine. Formé à l’Iwanson International à Munich puis auprès de Maurice Béjart à Lausanne, il est aujourd’hui l’un des jeunes chorégraphes allemands les plus en vue.

Note : l’éclairage scénique comprend des effets stroboscopiques.

Comme Pina Bausch avant lui, Aurélien Bory est invité par le Teatro Biondo à travailler à Palerme entre 2020 et 2023. Dans la capitale sicilienne, au Palais Abatellis, il découvre Le Triomphe de la Mort, une fascinante peinture monumentale du 15^e siècle. Reproduite à l’échelle (six mètres par six), l’œuvre anonyme devient la toile de fond d’une émouvante fresque humaine où se met en scène l’invisible : la disparition de la vie.

Dans invisibili, la peste du Moyen Âge est remplacée par des fléaux d’aujourd’hui – le cancer, la Méditerranée qui engloutit les migrants, les catastrophes naturelles. Un nouveau récit se dessine alors par la grâce de six interprètes, tous palermitains d’origine ou d’adoption : quatre danseuses, le saxophoniste Gianni Gebbia et le chanteur nigérian Chris Obehi. Dans un dialogue poétique avec les personnages du tableau, ils entremêlent danse, théâtre, musique et vidéo pour faire triompher l’art et la vie.

Ses coordonnées GPS ­­ – S 62° 58’, W 60° 39’ – indiquent une position au large de l’île de la Déception. Paniqués, les passagers tentent de survivre dans cet environnement hostile. Quand un performeur interpelle le metteur en scène, le drame laisse place à une autre réalité : celle des artistes qui créent la pièce à partir de rien, comme échoués au milieu d’une page blanche. La recherche de vérité et d’émotions authentiques les pousse à dépasser leurs capacités. Les journées sont longues, les conditions éprouvantes. La tentative de survie de l’équipage devient une tentative de survie au processus artistique. Et paradoxalement, pour les interprètes qui ont sacrifié leur vie pour leur art, quitter la scène ne s’envisage pas sans douleur.

Après Triptych et Didon et Énée en 2021, l’Opéra de Lille retrouve l’univers instable et l’esthétique hyperréaliste de Peeping Tom. Aux confins de la danse et du théâtre, de la fiction et de la réalité, cette impressionnante production de la compagnie belge interroge, à travers des images fortes, les limites de la création et la fragilité de l’existence.

Note : l’éclairage scénique comprend des effets stroboscopiques.