Le propre des grandes œuvres est certainement de donner lieu à de multiples adaptations qui n’avaient pas été prévues par leur auteur au moment de leur composition. Créée à Brno en 1924, La Petite Renarde Rusée fut inspirée à Leos Janácek par un roman de Rudolf Tesnohlídek, initialement publié sous forme de bande dessinée. Cette œuvre magique, onirique et ironique, pleine d’humour et de tendresse pour ses protagonistes à pattes et fourrure, a souvent donné un coup de fouet à l’imagination des artistes.

Conceptrice de spectacles lyriques originaux, Charlotte Nessi aborde le septième opéra du grand compositeur tchèque dans une adaptation musicale réalisée par Alexander Krampe en 2006 pour douze instrumentistes. Selon son habitude, elle réunit une distribution vocale constituée de chanteurs professionnels et d’enfants. Sous la direction musicale de Denis Comtet, ils ont pour mission de restituer à la scène le merveilleux en même temps que l’humanité de la ménagerie convoquée par un livret qui ne cesse d’intervertir les comportements (bestiaux pour les humains, humanoïdes pour les bêtes). Cette idylle forestière prend vite des allures de conte philosophique sur les rapports entre les animaux et les hommes, la nature, l’amour, la liberté, le cycle de la vie et de la mort, la fuite du temps. Le spectacle rend ces questions existentielles accessibles aux grands comme aux petits en jouant avec le caractère fantastique et insolite de l’œuvre. Tout concourt à magnifier l’impression d’exaltante étrangeté que créent les changements d’échelles entre la petite renarde et l’immensité de la nature. Ce parti pris fait ainsi la part belle au rêve, à la contemplation et au mystère.