opéra de lille

Le temps presse, semble nous dire Anne Teresa De Keersmaeker. Le soir descend sur l’Europe. Il faut aller à l’os. Marcher, respirer, écouter, bondir hors de la torpeur. Faire exulter les corps. La chorégraphe renoue avec l’allègement minimaliste de ses débuts, enrichie par trente années de recherche sur le contrepoint chorégraphique et la subtilité du geste. De Keersmaeker s’empare ici d’un des plus passionnants chefs-d’œuvre musicaux de la fin du XX^e siècle : le Vortex Temporum de Gérard Grisey (« le tourbillon des temps »), pour six instruments, qui s’inspire à la fois des boucles rythmiques des répétitifs américains et de la solidité architecturale du classicisme allemand. Mêlés sur le plateau, les danseurs de Rosas et les musiciens d’Ictus, appariés un à un, développent de longues spirales de danse et de musique où geste instrumental et geste chorégraphique cherchent à fusionner.

Tout se répète et tout fait retour, sans cesse, mais c’est la qualité du temps vécu qui se transforme : temps infiniment vaste de la mémoire, temps rythmique du pas et de la respiration, court-circuit instantané de l’extase. De Keersmaeker au sommet d’un art de l’épure.