opéra de lille

« Je voulais que Sasha Waltz monte Passion parce que cet opéra (surtout celui-là) a besoin de corps, c’est une histoire de corps, pour les corps. »

Le sixième opéra de Pascal Dusapin appelle la danse à travers un inventaire sensuel des tornades intérieures que vivent deux personnages (nommés simplement « Elle » et « Lui »), attirés et repoussés l’un par l’autre, dans un étrange et fascinant répertoire de mouvements de l’âme. Cette lointaine variation autour du mythe d’Orphée se place sous le patronage de Monteverdi, le père fondateur de l’opéra. Pascal Dusapin est en effet passé maître dans l’art de créer des matières instrumentales et vocales qui n’appartiennent qu’à lui sans jamais effacer sa prodigieuse mémoire de la musique. L’orchestration est délicate et subtilement relayée par un dispositif électroacoustique (spatialisation de sons dans la salle) qui étire l’instant musical et entre en parfaite résonance avec l’univers de Sasha Waltz. La réponse scénique de la chorégraphe berlinoise prend la forme d’un fascinant corps à corps entre la musique et la danse qui offre une nouvelle dimension à la fructueuse collaboration qu’ils ont initiée autour d’un précédent opéra du compositeur, Medea, présenté à l’Opéra de Lille en 2009. L’accord miraculeux qui s’accomplit entre solistes, choristes et danseurs est des plus troublants ; l’œil s’égare au point de ne plus savoir qui est chanteur et qui est danseur. La soprano canadienne Barbara Hannigan et le baryton autrichien Georg Nigl esquissent des figures gestuelles avec un engagement physique total. Egalement pleinement investis, l’Ensemble Modern de Francfort, le Vocalconsort Berlin et le chef français Frank Ollu font un travail remarquable de précision pour faire vibrer cette Passion jusqu’à son dernier soupir.

Passion est publié aux Éditions Salabert.