opéra de lille

Un combat de fauves, où « chaque sourire dévoile une canine », où la langue a le tranchant d’un poignard : c’est le Quartett d’Heiner Müller, qui s’inspire librement des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos en les portant à un niveau inégalé de cruauté et d’ironie empoisonnée. Créée à la Scala de Milan en 2011 par l’équipe catalane de La Fura dels Baus, cette production époustouflante enferme dans un dispositif voyeuriste – une cage suspendue entre ciel et terre – les deux chanteurs qui endossent les quatre rôles de ce combat de sexe et d’amour à mort, haletant et retors. D’immenses projections vidéo ouvrent le huis-clos à la dimension d’un Monde.

Luca Francesconi, qui a lui-même réalisé en anglais le livret de son deuxième opéra, en exprime tous les replis par une vocalité serpentine et virtuose. Il tisse autour des chanteurs un somptueux écrin instrumental rehaussé par une électronique fluide et aérée, qui démultiplie l’espace. Capturée dans le velours, la férocité humaine n’en est que plus troublante. Le spectateur, invité à suivre ce « peep show claustrophobique » (sic), pénètre en toute confiance dans un bunker camouflé en boudoir…